Malaisie

Le 31 mars prochain, à Bercy, une délégation de grands maîtres venus spécialement de Malaisie effectuera une démonstration de Silat, l’art martial national malais, enseigné dans les écoles, la police et l’armée.
Par P.Y. Bénoliel.

Penchak SiLat - Le Silat dans la Peau (Présentation)
Penchak SiLat - Le Silat dans la Peau (1)
Penchak SiLat - Le Silat dans la Peau (2)
Penchak SiLat - Le Silat dans la Peau (3)

La Malaisie à Bercy

La Malaisie, vous connaissez ? Grand comme les deux tiers de la France, ce pays de 18 millions d’habitants se trouve au sud de la Thaïlande. Vous en tendrez sûrement parler d’ici peu, car 1990 sera l’année de la Malaisie. Les malais possède un art martial national, le Silat, qui regroupe environ 800 000 pratiquants (chiffre officiel obtenu lors du dernier recensement).
Ce nombre s’explique aisément quand on sait que le Silat est enseigné dans les écoles et collèges, la police et l’armée. Il existe une multitude de styles différents. Les plus importants se nomment Gayong Malaysia, Gayong Fatani, Gayong Lincah et Gayong Cekak. Silat signifie art, seni style et gayong école. La dénomination exacte de chacun de ces styles est Silat Seni Gayong Malaysia, Silat Seni Gayong Fatani, etc.
Chaque style se décompose en 6 branches différentes : la danse (kata), la self-défense, le sport (compétitions), l’énergie interne (ilmu), les techniques commandos, enseignées uniquement à l’armée et à la police, enfin les techniques destinées aux enfants. Les débutants apprennent d’abord les mouvements sous forme de danse, un peu l’équivalent des katas japonnais : on apprend à exécuter les techniques très lentement, puis de plus en plus vite. Le Silat met l’accent sur la vitesse et la souplesse : on attaque toujours des points vitaux très sensibles, donc on n’a pas besoin de durcir le membre qui frappe ou d’utiliser la force. Exemple : l’index plié pour l’oeil. Les armes occupent une place importante. Outre le célèbre Kriss malais, on trouve le bâton, le sabre, le nunchaku à 3 branches, le saï (qui se nomme cabang), la machette, et même le sarung, l’écharpe qui fait partie du costume traditionnel malais. Le Silat possède l’équivalent des katas japonnais, qui se nomment Gulungan, des formes de combat pré-arrangé à 2 (Pentas), enfin le combat libre (Serangan) l’équivalent du Kumité. L’élève apprend d’abord le travail à mains nues avant de passer à l’étude des armes.
A un stade avancé, celui des maîtres ou Pendekar, on utilise le pouvoir de l’esprit. Cette partie de l’enseignement, basé sur la méditation, se nomme ilmu : elle n’est pas sans rappeler le travail de l’énergie interne que l’on trouve dans d’autres arts martiaux asiatiques. Les maîtres de l’ilmu sont capables d’exploits étonnants (voir Karaté-Bushido n°161). Certains d’entre eux font appel à la transe et à l’hypnose.

Le 31 mars prochain, à Bercy, une délégation de maîtres venus spécialement de Malaisie effectuera une démonstration de Silat. Vous pourrez découvrir les 3 formes principales de cet art : la danse, le combat et l’ilmu.
En outre, le maître Pong Chye Kim, célèbre expert en Kung fu originaire de l’île de Penang, fera une démonstration exceptionnelle de sa technique, avec en particulier la casse de granit.
Enfin, la Malaisie est composée de 14 états. Deux d’entre eux, Sarawak et Sabah, font partie de l’île de Bornéo. En première mondiale, un groupe de guerriers Dayaks de Bornéo viendra à Bercy pour effectuer la danse de guerre des Dayaks. Ce groupe est originaire du Sarawak, le nord-ouest de l’île. Mais nous aurons l’occasion de vous en reparler dans nos prochains numéros.
Voilà, vous savez tout ! J’ajoute que ce programme a été mis au point avec la collaboration du gouvernement malais, et en particulier du Ministère de la Culture et du Tourisme de Malaisie, en la personne de monsieur Aziz Deraman. Rendez-vous à Bercy le 31 mars !

P.Y. Bénoliel


Dans le n° 161 de Karaté-Bushido, paru en septembre dernier, nous vous avons présenté le Silat Malais et les Maîtres de l’Ilmu, le travail de l’énergie. Aussi, aujourd’hui, nous avons préféré laisser la parole à une française qui pratique le Silat depuis une dizaine d’années, Marie Raban. Voici son témoignage.
« Aucun manuel ne répertorie sérieusement en termes techniques les évolutions du Silat : Cela se pourrait-il ? Par contre, des principes fondamentaux :

Un travail intense de recherche sur soi, sur sa propre morphologie, des rapports des lignes et des masses de son propre corps ; douloureuse mais passionnante investigation qui ne s’explique et ne se justifie que par un aboutissement à à une parfaite beauté et à l’harmonie. Un mouvement ne donnant pas un résultat harmonieux don efficace dénote une insuffisance d’acharnement dans le travail de préparation et la recherche : le Silat ni aucun autre art de combat d’ailleurs ne devrait tolérer de médiocrité, de relâchement ni de compromis. Autant renoncer si l’on ne s’imprègne pas de ce principe fondamental.
Les mouvements exécutés de façon tendue ou qui plus est dans un esprit de compétition se situent à l’opposé du Penchak Silat. La seule compétition concevable est celle que l’on effectue avec soi-même. L’apprentissage doit être surtout intérieur : l’esprit avec lequel on pratique le Silat surpasse en importance les exercices proprement dits.
Prenons le travail d’assimilation du mouvement de base : le Passang, point de départ des enchaînements. Nombre d’élève ne comprend pas la nécessité de le perfectionner au maximum et pendant des mois si nécessaire, avant de s’acheminer vers les mouvements qui en découlent. Et pourtant la concentration sérieuse sur le Passang vous permettra de localiser parfaitement votre centre de gravité, constituera un merveilleux exercice de conditionnement de vos jambes et de l’impact de vos pieds sur le sol, un merveilleux exercice pour positionner harmonieusement et efficacement (encore !) les lignes de votre corps… Un mouvement que l’on veut réussir n’est pas purement physique : il se pense d’abord ou plutôt il se sent, dans son apprentissage bien entendu : dans l’action un mouvement un mouvement qui n’aura pas été assimilé et poli dans ses moindres détails ne donnera rien de bon à moins d’avoir beaucoup de chance. Pour en revenir à notre Passang, il constitue un point de départ et doc une trame, un point d’autodiscipline, fil conducteur et soutien de ce que vous ferez par la suite ; ainsi ne pas le négliger ou le bâcler et ne pas en vouloir au maître de vous le faire travailler au maximum avant « d’épater les foules ».
Il est bien évident que l’ambiance en Orient n’est pas la même que chez nous. Pouvons-nous recréer dans nos salles le silence nécessaire, l’ambiance mentale particulière que nécessite un enseignement hautement spécialisé ?
Beaucoup d’adeptes ne commettent-ils pas l’erreur de venir dans une salle et dans une technique pour se « placer aveuglément sous les ordres d’un maîtres » alors qu’ils devraient tendre tous leurs efforts vers l’acquisition d’une indépendance d’esprit et de corps tout en respectant l’enseignement donné. Insistons donc sur la travail personnel qui ne pourra déboucher sur un équilibre physique et mental, un épanouissement et non pas cette course vers un refuge et une épaule compatissante.

La relaxation : Le Silat s’inspire des félins et notamment du chat. Quelle étonnante capacité de relâchement musculaire et nerveux au repos, comme s’il était privé de vie, et sous cette apparence d’absence, il ne perd rien de nos mouvements. En une fraction de seconde il est capable d’attaques foudroyantes, de bonds prodigieux suivis d’un retour immédiat à sa position de repos : une merveilleuse leçon que l’on retrouve chez les grands maîtres de Silat : la relaxation approfondie, le cerveau aux aguets nullement entravée par cet état de détente poussée, la capacité de passer de cette relaxation à l’action éclair. Tout ceci dans la beauté, l’efficacité et la grâce.

Se forcer à la lenteur dans l’étude des mouvements. Il est tout à fait possible d’exécuter un travail physique important pour ce qu’il vous apporte tout en gardant un état d’esprit de lenteur et de décontraction poussée et voulue. Un excellent entraînement consistera à prendre conscience comme je le disais plus haut du moindre de nos gestes au quotidien. Un chat n’est jamais surpris dans une posture disgracieuse et mal équilibrée à aucun moment de sa vie même dans les pires circonstances : c’est un état naturel qui lui est acquis dès la naissance.

Le Silat Malais comprend différents types d’exercices : l’équivalent des katas (gulungan) qui peuvent s’exécuter en groupe, le travail des armes et la self-défense.

L’humain qui le souhaite devra acquérir cette merveilleuse mécanique par le travail : il s’étudiera et se surprendra dans la journée dans une attitude comme figée dans le mouvement, examinera la position de ses pieds et de ses mains, contrôlera sa posture générale. De même que dans le Yoga, le travail des geste se décompose : c’est une étude passionnante et enrichissante : il est surprenant de constater ensuite la précision, l’efficacité et la vitesse obtenues par cette méthode.
Don le Silat n’est pas l’abdication de l’individualité ni l’exécution saccadée de séries de mouvements. On pourrait presque dire qu’il existe un style de Silat pour chacun, pour chaque morphologie, chaque tempérament et au fur et à mesure de l’initiation, on arrive à constituer son propre style.
En Extrême-Orient, les problèmes d’assimilation du Silat ne se posent pas : il fait partie de la vie quotidienne des malais, de leurs diverses occasions de festivités, mariages, réunions de famille ou d’amis, manifestations culturelles qui sont autant de prétextes à des démonstrations et des joutes amicales au son du Gamelan ou autre fond sonore.
Il existe un danger : celui de l’apparition de pseudo-gurus faute de la concurrence d’une structure organisée : ces messieurs font de douteux profits sur l’aura mystique du Silat, le fameux Ilmu… Notre cher petit Européen a un mouvement de recul instantané ou bien se laisser berner « en profondeur » à coups de chamanisme, transe et autres poudres de perlimpinpin. Pour le Silat, le dommage est grand et plus grave qu’on le pense. L’Ilmu est selon moi une récompense qui vient couronner l’épanouissement parfait et harmonieux du corps et de l’esprit et qui par là vous donne la force de « remuer les montagnes », de réaliser des choses dites miraculeuses avec vous-même et pour les autres dans le respect absolu d’autrui. Mais ceci après un dur et très laborieux apprentissage qui passe par le recherche et le travail que vous faites sur vous-même, à n’importe quel moment de votre vie, guidé par votre goût et votre instinct et pas seulement à telle heure dans une salle patentée, ce qui serait une dépense d’énergie en pure perte… »

Marie V. Raban

Karaté-Bushido remercie Malaysian Airlines System pour son aimable collaboration