Penchak Silat - L Silat de Tuan Raban

 

Penchak Silat - Article sur le Silat de Tuan Raban

Penchak Silat – Tuan Raban

Si le Silat Malais était à Bercy, on le doit en grande partie à Tuan Raban, le président de la Fédération Française de Penchak Silat. Élève de maître Soerdovirjo, de l’école Setia Hati Tertate (Indonésie), Tuan Raban est l’un des pionniers du Penchak Silat dans notre pays. Il nous explique l’histoire et les principes de cet « art du combat rapide » qu’il essaye de développer en France.

Il était une foi

Le Penchak Silat, un art spécifiquement malais et indonésien de self-défense, est une ancienne et très efficace science pour le contrôle de l’esprit et du corps. Son entraînement provoque le dépassement de soi à travers une extrême concentration. Cet art de combat a été développé par des peuples qui étaient constamment confrontés aux agressions aussi bien naturelles qu’humaines. En effet, en Indonésie, plus de trois cents volcans existent, dont cinquante sont en activité, et la forêt tropicale avec sa faune particulièrement dangereuse étaient et sont toujours une menace permanente. Après quatre siècles de colonialisme, la guerre pour l’indépendance provoqua un développement considérable de la pratique du penchak silat dans toutes les communautés. La résistance acharnée de ces peuples surprit énormément les colons occidentaux. C’est à travers de nombreuses formes et styles que le penchak silat a survécu jusqu’à nos jours. Chacun de ces styles correspondant à des conditions religieuses et géographiques déterminées. Suivant l’antique tradition, le savoir était transmis oralement de Maître à disciple.

Maître Raban : le gardien du savoir

On ne peut pas présenter le penchak silat et le style Setia Hati Terate de Maître Raban, disciple de Maître Soerdowirjo, fondateur de ce style, sans expliquer l’étymologie de ses différents termes :

  • Penchak : art du combat
  • Silat : combattant rapide
  • Seti Hati : coeur sincère
  • Tertate : nom indonésien d’une plante aquatique, symbole de tranquillité et de beauté, mais capable également de devenir mortelle.

Le pratiquant de penchak silat doit suivre ces recommandations : fidélité aux principes des lois de cet Art gardé secret à cause de sa terrible efficacité. Eviter les corps à corps et rester à distance afin de mieux attaquer ; évoluer à des niveaux de positions très bas imposant une maîtrise des déplacements et une souplesse poussée à ses limites. Ce travail s’acquiert durant les cours d’initiation grâce à la répétition des diverses positions qui doivent être exécutées très lentement pour corriger et perfectionner chaque détail. Chacun de ces détails est d’extrême importance. Une fois que les mouvements sont assimilés, le rythme de leur exécution s’accroît jusqu’à atteindre une vitesse fulgurante.
Le penchak silat est un Art de self-défense accessible aux hommes aussi bien qu’aux femmes car, dans sa forme de combat, la force pure devient secondaire. Quelques techniques de penchak silat sont exécutées les mains nues. Au cours des démonstrations ou des combats, les doigts sont positionnés de différents manières afin d’utiliser les mains le plus efficacement possible. D’autres techniques se pratiquent avec l’aide d’armes comme le célèbre kris, une longue dague à la lame sinueuse. Le symbole du keris, arme sacrée du penchak silat, est toujours présente dans les cérémonies ou les combats.
Il est bon et très intéressant d’observer le développement en occident d’un art martial qui propose un retour aux sources, à l’imitation des animaux et à la recherche de mouvements harmonieux et parfaits. Le penchak silat, avec son talent pour le mimétisme animal, ne peut être séparé d’une certaine recherche de la beauté comme on peut l’observer chez le chat, le serpent ou le singe. Toute son approche de l’entraînement est empreinte d’esthétisme. Les mouvements démontrent toujours une admirable synchronisation et une parfaite harmonie que seuls les animaux pouvaient apporter.

Combat et spiritualité

Cette impressionnante chorégraphie entraîne naturellement la comparaison du penchak silat avec une danse de combat. Car la musique est le support de base du penchak silat. L’orchestre des percussionnistes s’accorde avec l’évolution des combattants et frappe l’oreille avec des rythmes colorés et de très particulières sonorités qui élèvent l’atmosphère vers la fascination et l’enchaînement. Il est nécessaire de préciser qu’en penchak silat on ne délivre pas de ceintures attestant du niveau ou du grade. Chaque pratiquant connait la perfection qui lui est demandée et se doit d’avoir comme but sa réalisation inaccessible. Il doit se dire qu’il y a toujours quelque chose à découvrir et que rien n’est jamais achevé. Le penchak silat est un des plus grands éléments mystérieux de la culture et des traditions des civilisations malaises et indonésiennes. Sa place est dans la vie quotidienne de ces peuples. C’est essentiellement pour cette raison qu’on ne peut pas dissocier le penchak silat de son aspect religieux. On doit y chercher un sens plus profond que le simple contrôle de son corps ou encore sa défense personnelle. En fait on doit s’immerger dans une spiritualité comme font les malais avec leur esprit de tolérance, de respect et d’hospitalité. Cet art est vécu au quotidien. La vie elle-même est imprégnée de sacré et cela se vérifie par leur croyance et fidélité à l’islam, la principale religion en Malaisie et en Indonésie, bien que de nombreuses tendances religieuses soient acceptées et reconnues dans ces deux pays. On peut craindre que ces objectifs soient très différents de ceux des Occidentaux qui ont perdu depuis longtemps les facultés psychiques qui permettent de transporter l’individu en dehors du monde sensible pour lui donner le contrôle de son potentiel physique. Malgré tout, en de nombreuses parties du monde, il existe des gens de différentes religions qui sont encore capables de réaliser ce qui nous semble, à nous Européens, magique, et qui ont conservé grâce à leur foi une puissante relation mystique avec les éléments externes. Quelques grands maîtres malais et indonésiens ont acquis cette faculté par le biais de la maîtrise de l’Ilmu, l’énergie interne.
Malgré tout, il est clair que l’ambiance en Orient n’est pas la même qu’ici , en Europe. Pouvons-nous recréer dans nos salles de sport le silence indispensable et l’atmosphère mentale nécessaire à un enseignement hautement qualifié ? Enseigné dans cette voie, l’art martial permet d’obtenir une meilleure connaissance de soi ainsi qu’un système de défense réellement efficace. Il développe aussi la confiance en soi qui mène à une vision plus naturelle de la vie. Mais quelle sera la place pour le sport, l’art et le mystère dans cet art martial et pour chacun d’entre nous si l’on ne retient que sa dangereuse efficacité ?


Bio Expresse

Originaire de l’île de Ceylan (Sri Lanka), où vit sa famille malaise, c’est à l’âge de 9 ans qu’il apprend le Silat en Indonésie, puis en Malaisie, auprès de différents instructeurs, dont maître Soerdowirjo, qu’il considère comme son professeur (style Setia Hati Terate).
A l’âge de 30 ans, Tuan Raban vint s’installer en Europe, d’abord à Londres, puis à Paris en 1975. Tous les deux ans, il retournait en Indonésie et en Malaisie afin de poursuivre son entraînement :

En Silat, il n’y a pas de limite,
on continue toujours à apprendre.

Me Raban a été désigné par l’ambassade d’Indonésie et l’ambassade de Malaisie à Paris comme responsable du développement du Silat en France. C’est grâce à lui qu’une équipe de Malaisie est venue présenter le Silat à Bercy, le 31 mars dernier. Voici d’ailleurs son opinion à ce sujet :

La démonstration était d’un bon niveau, mais j’ai été déçu par la composition de l’équipe : en majorité des jeunes gens, et pas de vieux maîtres. De plus ils ne représentaient qu’un seul style, alors que le Silat malais, comme le Karaté japonnais, comprend de nombreuses écoles. Je regrette que les maîtres aient été négligés par le Ministère malais de la Culture et du Tourisme , qui a sélectionné cette équipe. Mais ce qui est fait est fait, et il faut penser à l’avenir. Je souhaite unifier le Silat en Europe afin de le promouvoir efficacement. Il existe beaucoup de frictions actuellement. Tout le monde doit coopérer afin d’amener le Silat au même niveau que le Judo ou le Karaté sur le plan international.



Texte : Mohamath Raban
Traduction de l’anglais et photos : Jean-Paul Mayet


Karaté-Bushido – juin 1990
Vous pouvez retrouver cet article sur Karaté-Bushido.com